Un jour vint où l’homme, enfin «erectus», put regarder le ciel en face. II vit le monde se déployer devant lui et découvrit, désir et frustration, la ligne d’horizon. Ainsi commença la longue marche de l’humanité vers un ailleurs insaisissable.
Martine Demal est la créatrice d’un peuple en mouvement que le bronze surprend dans sa course obstinée. Rugueux et abrupts comme le métal qui les porte, ces êtres avancent, solitaires au sein du groupe mais néanmoins soudés par l’inébranlable volonté qui abolit leurs différences.
(La Procession)Une femme s’acharne contre un mur, lutte inégale et peut-être sans issue. Néanmoins, elle perdure dans un effort démesuré pour vaincre la résistance que lui oppose une paroi qui la rejette et qui l’ignore. Œuvre bouleversante où la tête pousse et cogne contre l’obstacle indifférent, le corps tendu à l’extrême dans un total refus du renoncement.
(Le Mur)Deux gardiens au gardiennes, veilIeurs ou assistantes, maintiennent plus qu’ils ne soulèvent, une déesse mère, immémoriale et démembrée, mais triomphante dans son existante féminité. La «Triade », mythe fondateur de la pensée religieuse, stèle érigée dont la douceur maladroite et la tendresse pudique, inscrivent l’espérance au coeur de cet univers résolument combattant.
Peut-être aucune pièce ne définit-elle mieux que celle-ci la singularité de Martine Demal. Pas de concession à la joliesse décorative, pas de réalisme complaisant toujours bien accueilli. Ses mains imposent leur ferme volonté à la matière. De l’épreuve purificatrice du feu sortira l’oeuvre, en bronze.
La condition humaine se définit ici non comme tragique, mais comme espoir, même face à l’impossible. Sisyphe continuera inlassablement à rouler son rocher mais peut-être celui-ci ne redescendra pas la pente.Quel plus bel élément que le bronze pour éterniser les créatures façonnées par cet art. II recueille fidèlement la trace du doigt la plus imperceptible, il accroche la lumière dans tous ses éclats. Car, autant que l’espace que l’artiste englobe et embrasse, elle participe du jeu amoureux par lequel, de la matière informe, va naître un peuple non résigné.
Il restera à la patine, minutieusement choisie pour chaque, sculpture, obtenue au prix d’un long et patient travail, â animer ce monde d’une vivifiante clarté.
LAURENCE IZERN